Tommies et Gourkas!

 

La collection Patrie est emblématique d’une certaine littérature populaire imbibée de culture de guerre. Son propos est d’ailleurs limpide puisqu’elle ambitionne de raconter « chaque semaine un épisode de la Grande Guerre, émouvant, dramatique, vécu, puisé dans la glorieuse épopée ». Elle entend être au final « la véritable publication destinée à perpétuer l'admiration pour les héros et l'exécration pour les barbares ».

Quinzième numéro de la collection, ce volume se focalise autour du personnage central de John Bisquitt, figure même du Tommy, qui entre deux furieuses attaques ennemies tente d’écrire une lettre à l’élue de son cœur, une certaine Edith. On peut d’ailleurs se demander si ce prénom, qui ne doit certainement pas être choisi au hasard, n’est pas un hommage plus ou moins déguisé à la figure d’Edith Cavell, cette jeune infirmière britannique fusillée par les Allemands à Bruxelles et dont la mort est source d’une immense émotion pendant le conflit. A. Norec est d’ailleurs l’auteur d’un Miss Cavell, Héroïne et Martyre, publié  dans la même collection.

Relevant d’une littérature populaire, usant volontiers du cliché, cette nouvelle est néanmoins très agréable à lire, écrite avec un style particulièrement efficace. Or ce sont précisément ces stéréotypes qui, dans le sillage de la journée d’étude Pour une approche régionale de la Grande Guerre tenue à Rennes le 13 novembre 2012, intéresseront l’historien. En effet, l’Ecossais y boit nécessairement du scotch, tandis que les nord-Irlandais dégustent de l’irish whisky. De même, tous sont britanniques et raffolent donc du thé et sont dotés d’un flegme inégalable… Ces poncifs deviennent encore plus intéressants lorsque John Bisquitt évoque les soldats de l’Empire, tout particulièrement ceux venus des Indes. En effet, à travers ce portrait, c’est en réalité l’image des Indiens en France pendant la Première Guerre mondiale qui se donne à voir.

Tommies et Gourkas constitue donc une source supplémentaire –  disponible gratuitement sur Gallica ! – pour l’étude des appartenances locales pendant la Première Guerre mondiale ; assurément l’un des grands chantiers historiographiques qui semble se mettre en place à l’horizon de ce centenaire.

Erwan LE GALL