Tourisme et Première Guerre mondiale. Pratique, prospective et mémoire (1914-2014)

 

Rien ne parait plus éloigné de la Première Guerre mondiale que l’idée de tourisme. Pourtant, si le conflit rend les pratiques plus difficiles, il ne les annihile aucunement. Mieux, la Grande Guerre devient pendant, et plus encore après, source de tourisme. Ce sont ces relations encore très largement méconnues qu’Yves-Marie Evanno et Johan Vincent explorent dans cet article programmatique faisant fonction d’appel à contribution pour un futur ouvrage.

Par Yves-Marie EVANNO et Johan VINCENT

 

 

Assimilé à une démarche oisive, contraire à l’austérité de la guerre, le tourisme est très peu pris en compte par l’historiographie de la Première Guerre mondiale. Un tel constat interpellait déjà en 1996 John Walton qui, dans un travail précurseur, exprimait sa « surprise sur le fait que si peu d’attention ait été accordée à l’impact de la guerre sur les villes touristiques »1. Néanmoins, depuis quelques années, des travaux scientifiques commencent à aborder le phénomène2. Lors d’une étude récente centrée sur un département breton, le Morbihan, nous avons nous même constaté la persistance de flux et de volontés touristiques, certes sous des formes parfois différentes mais réelles3. Mais, encore une fois, notre démarche s’inscrivait dans une perspective géographique limitée. C’est pourquoi, nous profitons de cet article programmatique pour lancer un appel à contributions pour une publication collective dont l’objectif est de dresser une histoire générale de l’impact de la Première Guerre mondiale sur le tourisme en Europe.

En effet, il apparaît que la guerre ne constitue nullement une parenthèse dans le développement du tourisme, bien au contraire. Et là réside l’enjeu d’une telle étude. Réinvestir l’histoire du tourisme pendant le conflit doit permettre de compenser une faiblesse très justement remarquée par Patrick Harismendy : les travaux scientifiques passent souvent d’un tourisme né de la classe de loisir au 19e siècle4 à un tourisme de masse au 20e siècle sans aucune transition, comme si le passage de l’un à l’autre était naturel5. On peut même se demander si ce n’est pas la Première Guerre mondiale qui ancre profondément le tourisme dans les gênes des territoires. Cette hypothèse a de quoi surprendre tant elle semble inverser les conclusions trop rapidement admises. Et c’est bien parce qu’une telle approche est de nature à renouveler notre questionnement sur le tourisme qu’il nous a semblé intéressant de l’approfondir.

Un picnic pendant la Première Guerre mondiale.Museum Victoria Collections: Item MM 117817.

La dispersion des sources est le principal ennemi d’une telle recherche. Malheureusement, les fonds d’archives conservés dans les dépôts traditionnels ne sont pas constitués de manière thématique. Quant aux sources privées, le problème d’accessibilité est encore plus évident et, par nature, aléatoire. La trouvaille relève parfois plus de la chance que d’une véritable méthodologie. A contrario, la vogue de la numérisation offre une chance supplémentaire à l’historien du tourisme. Elle facilite le dépouillement des quotidiens nationaux et locaux, mais aussi des revues spécialisées comme celle du Touring Club de France, mise à disposition par les Bibliothèques de Paris via le portail Gallica6. La littérature ne doit pas non plus être négligée. De Colette à Apollinaire, de nombreux auteurs évoquent, au hasard d’un passage dans une station balnéaire, la vie quotidienne des bords de mer7. Il existe également quelques fonds photographiques, comme au musée d’Orsay.

L’article ici souhaite formuler des pistes de recherches afin de proposer un volume cohérent organisé autour de trois axes. Si le touriste sera bien entendu un acteur central de notre réflexion, il convient de ne pas négliger les professionnels, ceux qui doivent s’adapter à la contrainte de la guerre. Enfin, la Grande Guerre a elle-même généré des flux touristiques qu’il conviendra d’analyser avec une attention particulière.

 

Le tourisme, une pratique qui perdure

La mobilisation, en plein été 1914, met un terme brutal à la saison touristique en cours8. Guillaume Apollinaire, en villégiature près de Deauville résume parfaitement la situation : « presque tout le monde fout le camp »9. Et pour cause : les hommes mobilisés gagnent leurs casernes, les étrangers quittent – plus ou moins10 – rapidement le territoire pour échapper à la guerre ou à l’internement11

Le tourisme à l’arrière

Une première erreur consisterait néanmoins à considérer la pratique touristique comme définitivement morte et enterrée. En effet, malgré l’indécence présumée des loisirs en temps de guerre, le littoral redevient progressivement un lieu de plaisir et de villégiature. Parfois même, le contexte particulier du conflit impulse ce relèvement. C’est en ce sens qu’il faut interpréter la conclusion opportuniste du Times qui, le 12 décembre 1914, invite les Britanniques à visiter la France, du moins la Riviera française en raison de la baisse des prix hôteliers consécutive au début des hostilités12. Et c’est bien parce qu’il y a une demande touristique que l’agence Thomas Cook rouvre ses agences sur la Côte d’Azur, à Menton et à Nice dès 1914. De la même manière, les compagnies de chemins de fer françaises assurent dès 1915 des trajets depuis Paris vers La Manche et l’Océan « dans la mesure où il a été possible de le faire en tenant compte des besoins militaires »13.

Ainsi les touristes font leur réapparition : la cantatrice de l’opéra de New-York, Eva Grippon descend au Grand Hôtel Penthièvre de Quiberon en 191514 et le prince et la princesse Louis d’Orléans à l’hôtel du Palais de Biarritz en 191615. Les permissions sont également des parenthèses permettant une reprise momentanée des habitudes d’avant-guerre. Pour certains aristocrates, cela se traduit notamment par la fréquentation du monde et de villégiatures luxueuses. Bertrand Gougon rapporte ainsi le cas du général de Tinan qui « se rend à Boulogne-sur-Mer afin de présenter ses hommages à la reine des Belges dont sa belle-sœur, la princesse Ghislaine de Caraman-Chimay, est dame d’honneur ». Et de préciser qu’il « loge alors au confortable hôtel Folkestone, doté d’une vue admirable »16. Quant à Guillaume Apollinaire, il profite plus modestement de ses permissions pour se rendre avec sa femme à l’hôtel Pennec à Bénodet en 1917, puis à Damgan l’année suivante17… Ces séjours nous sont connus du fait de la célébrité de ces derniers. Mais la tendance est bien plus générale, le lourd contexte militaire ne détournant pas les préoccupations des promeneurs et des baigneurs qui se réapproprient progressivement le rivage. Sans conclure à l’abondance des touristes, l’étude du cas morbihannais montre qu’ils sont de plus en plus nombreux au fil du conflit. Cette évolution pose inévitablement la question de la place de ces improductifs dans l’effort de guerre ? Contribuent-ils à l’idée que l’arrière est le refuge des « embusqués »18 ?

Carte postale. Collection particulière.

Même si la disponibilité des sources, particulièrement lacunaires, pose problème, il semble que le nombre de touristes augmente sans cesse d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution du cours du conflit. Est-ce pour autant à dire que celui-ci n’exerce aucune influence sur le développement du tourisme ? En d’autres termes, la pression sociale exercée par l’impératif patriotique d’Union sacrée est-elle sans conséquences sur les désirs de villégiature ? De même, quel est l’impact de la géographie du champ de bataille sur les pratiques touristiques ? Quelles sont les conséquences de la guerre sur les stations balnéaires du Nord de la France, de la Belgique, de la côte Est de l’Angleterre, de la Baltique ? Quel est le sort des montagnes, en particuliers des Alpes19, et des stations thermales ? De manière générale, il est admis que le choix des destinations touristiques est motivé par l’éloignement des zones de conflit, mais est-ce si simple ? Si Stephen J. Page évoque le déplacement des flux touristiques dans les stations britanniques les moins menacées par l’Allemagne, le Royaume-Uni bénéficie-t-il pour autant de son relatif isolement lié à son insularité20 ? Ou au contraire subit-elle le climat d’insécurité instauré par les U-Boote et ce d’autant plus après le torpillage du paquebot Lusitania ? Existe-t-il en quelque sorte un syndrome Lusitania de nature à décourager les voyageurs ? De la même manière, partout en Europe, qu’elle est l’influence de la guerre sous-marine sur la navigation de plaisance ?

Quant aux non-belligérants, profitent-ils de leur neutralité pour attirer de nouvelles clientèles ? Nous manquons d’études précises – et générales21 – à ce sujet. Pour la Suisse, grande destination touristique en Europe, selon quelques mentions éparses, le tourisme est dit sinistré. A contrario, pour Mari Carmen Rodríguez, dans un article sur le tourisme à Compostelle, « la neutralité de l’Espagne au cours de la Première Guerre mondiale profite à l’économie »22. Diverses mentions laissent également à penser que Saint-Sébastien aurait profité du conflit23. Si les situations socio-économiques sont évidemment différentes d’un pays à l’autre, il convient néanmoins de s’interroger sur la vigueur du phénomène touristique dans ces pays.

Enfin, il serait intéressant de s’attarder sur les conséquences de la Première Guerre mondiale pour le tourisme international. D’une part, une partie de la clientèle étrangère fait partie des belligérants et, donc, ne peut revenir dans un pays qui internerait ses ennemis. D’autre part, la clientèle étrangère originaire de l’hémisphère sud, faute de liaisons maritimes sûres, ce qui tendrait à accréditer l’idée d’un syndrome Lusitania évoquée plus haut, passe désormais ses hivers boréals à la maison. C’est le cas par exemple des Argentins à Mar del Plata24. Pourtant, dès novembre 1914, l’Espagne tâche de capter les flux des touristes américains qui s’orientaient traditionnellement vers des pays désormais en guerre : le Commissariat au tourisme, à travers le Turismo Hispano-Americano créé pour l’occasion, tente de mobiliser les organismes et institutions pour faciliter l’arrivée des touristes à destination de l’Europe non-belligérante. Sous le regard favorable du roi, cette initiative se concentre tout d’abord sur les liaisons entre Cuba et l’Espagne mais, si l’on en croit Alet Valero, elle ne semble pas avoir connu le succès25. D’autres initiatives ont elles existé ? Si oui, ont elles rencontré plus de succès ? Cette rupture des habitudes mériterait un examen attentif pour mesurer l’évolution sur les flux touristiques internationaux durant le conflit. 

Visiter le front

L’éloignement du front, compris comme nous l’avons vu précédemment uniquement dans sa dimension terrestre, est un gage de sécurité, c’est un fait. Mais est-ce bien ce que recherchent tous les touristes26 ? Ce n’est pas en tout cas ce que souhaite l’Américain Walter Austin, « War zone gadabout »27 autoproclamé, qui, profitant de sa neutralité, réalise trois voyages dans l’Europe occupée entre 1914-1917 (Londres, Belgique, Berlin, Paris, Nice, Monte-Carlo, Petrograd…)28. Outre le risque d’être arrêté pour espionnage, l’auteur se met en danger en s’approchant des lignes de combat, au point de s’attirer les foudres des soldats écœurés d’une telle désinvolture29. Le cas de W. Austin n’est pas unique. Quelques Américains recherchent ces mêmes sensations, principalement en 1914, lorsque les combats se déroulent en Belgique30. Ils ne sont pas les seuls. A l’issue de la bataille de la Marne, à peine l’armée ennemie repoussé, un journaliste de L’Illustration évoque la présence de « visiteurs de toutes sortes : simples curieux, pillards malfaisants […], historiens avides de savoir », ramassant des souvenirs et visitant les lieux bombardés31.

Le tourisme de guerre est donc une réalité durant la Première Guerre mondiale, bien qu’il faille nuancer cette pratique et en proposer une esquisse de périodisation. De manière assez conventionnelle, l’agence Thomas Cook propose des circuits en Europe alors que la guerre a débuté. Or, si en 1915, il est évident que l’intérêt pour les visites de champs de bataille ne relève nullement du tourisme de masse32, cette pratique semble plus courante quelques mois plus tard. En 1917, le Touring Club de France encourage ainsi les visites du front, dans un cadre si possible organisé et en avertissant que des professionnels proposent déjà ce service :

« Bien des voyageurs après vous prendront la route que vous aurez méthodiquement parcourue les premiers. Des sociétés s’organisent en plusieurs pays pour les guider. Ce n’est pas sans appréhension que je pense à ces tournées. Il ne faut pas qu’elles ressemblent à des trains de plaisir. Il ne faut pas que les champs de bataille ressemblent à des champs de foire. Trop de larmes ont coulé, trop de sang. Pour donner aux excursions le caractère qui leur convient, nous comptons sur le Touring-Club de France. Cette libre société a su devenir une véritable institution nationale ; elle a rendu plus d’un signalé service à la Nation. »33

Un célèbre guide de voyage. Edition de 1919. Europeana 14/18: Reisgids Ieper.

Ce type de tourisme n’est pas exclusivement destiné à des individus avides de sensations fortes ou de voyeurisme. Il répond également aux besoins des familles des morts et disparus qui cherchent à obtenir un ultime rapprochement de l’être aimé dans la difficile quête du deuil. Pour répondre à cette demande, Michelin édite son premier Guide des champs de bataille en septembre 1917, pour le troisième anniversaire de la première bataille de la Marne34. La démarche n’est pas nouvelle, elle existe avant 1914, mais désormais, elle se distingue par sa précocité35. Les guides publiés sont traduits en plusieurs langues. Est-ce pour autant que ce type de tourisme connaît un rayonnement important ? Et surtout, comment est-il perçu par la population et les (anciens) combattants ?

Cette curiosité des civils pour le front a déjà fait l’objet de quelques études. Les travaux les plus complets se trouvent pour l’instant du côté de l’Allemagne. Susanne Brandt, dans un article de 1994, évoque les voyages d’écrivains, de peintres, d’hommes politiques, de monarques, de militaires qu’elle considère comme étant du « tourisme de guerre »36. Plus récemment, en 2007, Charlotte Heymel a publié une synthèse plus complète intitulée Touristen an der Front37. Quelles sont les motivations des voyageurs et diffèrent-elles d’un côté ou l’autre du front ? Comment ces mouvements civils sont-ils gérés par l’autorité militaire ? Il y a là des pistes pour mesurer si ce type de tourisme est universel dans ses formes, de la part des belligérants mais aussi des non-belligérants (États-Uniens avant 1917, par exemple).

La Grande Guerre en tant qu’expérience touristique

Si le front est une destination touristique pour les civils, qu’en est-il pour les combattants ? Si on se réfère à la stricte définition du tourisme, la question semble peu pertinente. Pourtant, elle mérite d’être posée. En effet, les combattants sont-ils sensibles aux territoires qu’ils parcourent ? Felicity Barnes étudie ce point à travers l’exemple des soldats océaniens : elle évoque notamment un slogan australien promouvant l’enrôlement comme le moyen de profiter d’un « tour » gratuit en Grande-Bretagne et en Europe, soit la chance d’une vie, « the Chance of Lifetime »38. De par ces conditions particulières de recrutement, les troupes néo-zélandaises se qualifient de « Bill Massey’s tourists », du nom du Premier ministre. Certains de ces Soldier Tourists perçoivent véritablement cette expérience comme l’opportunité de découvrir le monde. C’est là une piste qu’il faut certainement développer. En effet, les lettres, les carnets mais aussi – et c’est très (trop) rarement pris en compte – les vues de cartes postales doivent être étudiées pour mesurer la sensibilité des combattants aux paysages qui les entourent.

Free Tour to Great Britain and Europe. The Chance of a Lifetime. Australian War Memorial: RC02289.

Cette réflexion nous amène également à nous intéresser à la photographie, bien que sa diffusion auprès du grand public soit balbutiante à l’époque. La commercialisation du Brownie, petit appareil portatif, permet depuis 1901 la démocratisation de la photographie. De la même manière, on se doit de mentionner le fameux Vest Pocket de Kodack, régulièrement présenté comme l’appareil photo du poilu. Il serait alors intéressant de s’interroger sur la manière dont les photographies prises à proximité du front façonnent l’imaginaire de l’exotisme et d’une certaine manière le désir de la découverte pour celles et ceux qui, restés à l’arrière, découvriront ces photos.

Le front n’est pas le seul environnement des combattants. Lors des permissions, quand ils ne rejoignent pas leur famille, ils optent parfois pour des destinations distrayantes. Dans son étude sur les permissionnaires, Emmanuelle Cronier montre comment les soldats deviennent un moteur fondamental de l’industrie du loisir à Paris39. L’utilisation du temps libre par les soldats mérite ici d’être d’autant plus étudiée que, dans le cas des combattants étrangers, ils ne peuvent pas rentrer dans leur foyer. Ils sont pourtant nombreux sur le front et à l’arrière, dans les hôpitaux ou dans les camps d’entraînement. Ainsi, après quelques semaines passées dans le Maine-et-Loire au printemps 1918, Harry Truman confie à sa fiancée Bess Wallace qu’Angers est une « beautiful old French town »40. Son attachement laisse entendre que le jeune officier a flâné dans la vieille ville. De manière générale, comment les soldats américains occupent-ils leur temps libre ? Existe-t-il des guides comme il peut y en avoir lors de la Seconde Guerre mondiale ? Aussi, comment s’organisent les zones définies pour les permissionnaires américains et pouvant accueillir un nombre limité de soldats41 ? Cet aspect est méconnu de l’historiographie. Et qu'en est-il des Canadiens, des Russes, des Portugais… qui eux aussi séjournent en France à l’occasion de la Grande Guerre ? Et quid des Français, des Britanniques ou encore des Allemands qui rejoignent les fronts orientaux et méditerranéens ? La réflexion doit en outre être étendue aux travailleurs étrangers (Chinois, Espagnols...) et coloniaux qui, certes non combattants, participent pleinement à l'effort de guerre en s'établissant plusieurs mois dans l'un des pays belligérants.

 

S’adapter, ne pas renoncer, anticiper : l’après-guerre dans toutes les têtes

A dire vrai, penser le tourisme pendant la période 1914-1918 ne doit pas se faire uniquement autour du touriste. En effet, il convient également de s’intéresser à la dimension économique de cette pratique, devenue vitale pour certaines villes. La guerre oblige les professionnels du tourisme à s’adapter au contexte délicat des pénuries, des restrictions, afin de gérer et d’anticiper au mieux les modifications des flux touristiques. Malheureusement, faute de références suffisantes, les exemples proposés ici sont quasi-exclusivement français, et bien souvent bretons, mais méritent d’être confrontés à d’autres espaces.

S’adapter aux mutations liées aux complications nées de la guerre

Les réfugiés, les militaires repliés et les convalescents constituent une clientèle providentielle pour le commerce local dont le chiffre d’affaire repose sur la réussite d’une bonne saison touristique. Face aux mutations de l’activité du fait de la guerre, il faut en effet s’adapter en trouvant de nouveaux débouchés. Sur ce point, l’hôtellerie est un secteur à étudier. Pour les propriétaires, le dilemme est le suivant : s’il y a moins de clients, il y a moins de chiffre d’affaire et, à terme, le commerce risque de fermer. Les propriétaires doivent innover pour continuer d’exister.

La réquisition d’un établissement est très certainement la situation la plus enviable42. En effet, il n’y a pas de réquisition sans indemnités. De nombreux hôtels semblent profiter d’une véritable manne financière en mettant à disposition de l’administration ou de l’armée – française ou alliée – leur établissement. On peut ainsi signaler le cas, certes exceptionnel, de Perros-Guirec où six établissements se transforment en hôpitaux dès l’été 191443. Pourtant, nos connaissances sont ici limitées sur le véritable impact de ces réquisitions. A cet égard, le cas du Grand Hôtel de Paramé n’est pas sans interpeller. Bien qu’il soit réquisitionné en août 1914 pour servir de cantonnement à un bataillon du 247e RI, le propriétaire de cet établissement n’a droit à aucune indemnité de la part de l’autorité militaire, les troupes étant restées sur place moins de 21 jours44. D’ailleurs, les occupations d’hôtels sont-elles systématiquement des réquisitions ou s’agit-il tout simplement de locations comme c’est le cas du Grand Hôtel de Carnac-Plage, transformé en camp de concentration pour des internés fortunés ?

Carte postale. Collection particulière.

Pareille réflexion se pose également à propos des appartements et autres maisons louées pour la saison. Comment leurs propriétaires s’adaptent-ils aux contraintes de la guerre ? Le Moniteur des Côtes-du-Nord rapporte ainsi en septembre 1914 que de « nombreuses familles aisées du Nord de la France et de l’Est, voire de Paris, fuyant devant l’invasion allemande, sont arrivées à Saint-Quay, Binic, Val-André, Perros… où elles ont loué des villas ou des appartements », le journaliste évoquant même une foule considérable45. Dans le sud de la France, Jean-Claude Volpi montre qu’une situation analogue se produit à Menton46. Idem à Blackpool selon John Walton47. Pour les propriétaires, il semble que ces arrivées soient perçues comme une aubaine. Mais pour combien de temps ? Les familles laissant tout derrière elles peuvent-elles payer le loyer indéfiniment ? Aucune étude ne permet de définir quelles sont les conditions dans lesquelles ces locations interviennent et si les propriétaires ont véritablement profité de cette situation.

En revanche, Emmanuel Cronier montre comment, dans certains arrondissements parisiens, l’hôtellerie a su justement tirer profit de la prostitution pour générer des bénéfices48. Il existe certainement d’autres stratégies pour dégager un chiffre d’affaire. On peut ici citer de nouveau l’exemple du Grand Hôtel de Carnac-Plage. Les internés ne peuvent y accéder que s’ils sont en mesure de prendre en charge les frais élevés de pension. L’occasion est belle pour assurer la survie de l’activité, et même plus. Contrairement au temps de paix, l’hôtel affiche pension complète lors de la morte saison, et ce pendant près de quatre ans. Mais au fil des mois, les internés sont de moins en moins nombreux à pouvoir supporter de telles dépenses. Le propriétaire fait alors fermer le camp le 15 juin 1918 lorsque ce dernier ne lui permet plus de dégager de bénéfices suffisants.

Ces exemples témoignent d’un certain pragmatisme. Les acteurs agissent différemment selon le lieu et le temps, et en fonction des opportunités qui s’offrent. La présence d’internés fortunés et libres de leurs mouvements dans les premiers mois du conflit à Carnac incite ainsi le propriétaire d’une agence de location à transformer sa boutique en commerce (« papeterie, confiserie… ») avec ces mêmes internés comme clientèle « exclusive »49. Les soldats américains apparaissent également comme de potentiels acheteurs de souvenirs50. Certains l’ont vite compris et une activité se développe autour des camps où viennent se former les jeunes soldats. À Meucon dans le Morbihan, « dès l’arrivée des Américains, les marchands de journaux seuls venaient au camp pour la vente des feuilles anglaises ; puis peu à peu, on vit surgir de tous côtés des marchands de jumelles (algériens), des marchands de mouchoirs-souvenirs »51.

Continuer à s’investir dans le développement du tourisme

La Grande Guerre provoque d’importants mouvements de population. Les soldats en convalescence mais également les civils sont déplacés – ou se déplacent – vers de nouveaux territoires jusqu’alors inconnus. Très vite, les promoteurs du tourisme perçoivent l’opportunité d’une telle présence pour convertir ces individus aux charmes de leurs régions. L’exemple du Morbihan montre parfaitement cet esprit d’initiative. Il se mesure par l’intensité déployée par le Comité de Secours de Vannes qui organise de nombreuses visites dans le département pour les soldats convalescents. Et pour cause, lorsque l’on se penche sur l’identité des 19 membres enregistrés en 191652, cinq sont membres bienfaiteurs du Syndicat d’initiative du Morbihan, et un autre fonde quelques années plus tard le comité d’action et de propagande touristique du Morbihan53. Bien entendu, il serait abusif de déconsidérer la dimension caritative de leur action en les affublant d’une entreprise purement intéressée. Au contraire, et plus que n’importe qui, ces promoteurs de la « première génération »54 croient aux vertus bienfaitrices du tourisme qui ne peuvent qu’améliorer le moral des soldats convalescents. Mais il n’en demeure pas moins que la collusion des intérêts n’est pas sans interpeller.

Carte postale, sans date. Collection particulière.

L’investissement pour la promotion touristique est également entretenu par le maintien de certaines publications. Ainsi, la revue mensuelle du Touring-Club de France ne connaît aucun coup d’arrêt. Il en va de même pour de nombreuses publications locales qui, dans les régions plus proches du front, prennent une dimension patriotique particulière55. En réalité, les cessations – ou réduction – d’activité sont davantage la conséquence des contraintes de la guerre que d’un désintéressement de circonstance. Ainsi, l’Office de tourisme des Guides Bleus à Paris cesse son activité dès 1914 du fait de la mobilisation de son personnel et reprend dès que possible, c’est-à-dire le 1er mai 191956. Moins grave mais significative, la pénurie de papier oblige parfois – et c’est un moindre mal – les guides régionaux à réduire le nombre de pages57.

L’anticipation de l’après-guerre

En France, c’est à partir de 1917 que l’on assiste à une réelle prise de conscience : il convient d’investir dans le tourisme afin de ne pas être « surpris par la paix ». Ainsi est-ce pendant le conflit, en juin 1917, que les parlementaires français réfléchissent à la mise en place d’un classement comme station de tourisme qui prend effet au sortir de la guerre58. L’objectif est publiquement annoncé : il s’agit de faire revenir l’or dépensé pour la guerre, grâce au tourisme. Il est partagé localement, puisque le conseil municipal de Deauville y fait explicitement mention dans une de ses délibérations du mois de janvier59. Il serait intéressant de comprendre plus en détail quelles sont les réalités qui se cachent derrière cette volonté. Aussi, il convient de se demander si d’autres pays belligérants ont eu le même réflexe d’investissement alors que le conflit n’est pas terminé, et loin de l’être. A cet égard, les zones sinistrées par les affrontements en Belgique, mais également les côtes de la Baltique ou les abords du front italien constituent des espaces d’investigation particulièrement prometteurs.

Carte postale ayant circulé en 1917. Collection particulière.

Malgré cette volonté de préparer coûte que coûte l’après-guerre, l’effort des promoteurs du tourisme en France est contrarié par la forte concurrence des solidarités (quêtes, tombolas…). Les subventions traditionnellement accordées par les particuliers et les collectivités sont drastiquement réduites voire tout simplement supprimées60. Partout en France, de nombreux syndicats d’initiative déplorent cette difficulté au Touring-Club de France et à l’Office national du Tourisme, organisme placé sous la direction du ministère des Travaux Publics61. Ces derniers dégagent alors des subventions exceptionnelles en juin 1917 pour aider les initiatives locales en vertu de

« l’extrême importance que présente […] la valeur économique du tourisme ou plus exactement de l’industrie des voyages. […]. C’est pour favoriser la visite de nos sites et de nos monuments par les centaines de milliers d’étrangers dont la venue chez nous est certaine, qu’il importe, dès à présent de prendre des mesures efficaces. »62

Le président du Touring-Club de France prévient que les sommes recueillies doivent servir à l’organisation d’un programme d’aménagement, pour le confort ou l’agrément des touristes, et non pas au financement de la publicité. L’objectif final est le relèvement du pays. De ce fait, la réclame ne doit plus être concurrentielle mais au contraire s’inscrire dans un plan d’ensemble national, discuté entre l’Office national du tourisme, le Touring-Club de France et les compagnies de chemin de fer63.

A cet égard, la guerre, en ce qu’elle a d’exceptionnel, bouleverse les habitudes des professionnels du tourisme. En créant de nouvelles convergences entre les différentes échelles (communale, plus ou moins départementale, et nationale) pour une action désormais complémentaire, elle limite la dispersion de la promotion touristique de la période antérieure, jusqu’alors plus préoccupée à vanter les mérites de leur petite patrie sans hésiter à dénigrer leurs proches voisins64. Il serait alors intéressant de s’interroger sur la capacité accélératrice de la guerre, de façon à renverser les problématiques qui mettent en avant trop rapidement l’immobilisme induit par le conflit.

 

La Grande Guerre, nouveau moteur de l’industrie ?

Aussi, un projet tel que celui que nous envisageons ici ne peut pas négliger l’après-guerre. En effet, très vite, la Grande Guerre, parce qu’elle suscite un intérêt de premier ordre, devient un objet touristique.

Le tourisme du deuil, un tourisme comme un autre ?

Pour les familles et la communauté civile, il faut faire face aux millions de morts et aux nombreux corps qui peuvent être inhumés près de leurs proches. Les rites traditionnels du deuil sont en effet brusquement perturbés par la guerre. Avant même la fin du conflit, des visites du front sont organisées pour satisfaire la demande des familles, désireuses de découvrir l’endroit où l’être aimé a poussé son dernier souffle. Dès 1916, le journal belge en exil Le Vingtième siècle, évoque les fleurissements des tombes et d’un monument commémoratif à la mémoire des morts lors de la guerre de mouvement, comme dans le cimetière d’Uccle65

Néanmoins, ces voyages ne sont pas tous motivés par le deuil. Très rapidement des tours opérateurs et des associations organisent des visites sur les lieux de bataille66/. David W. Llyod a exploré ces pèlerinages à partir des livres d’or conservés par l’Imperial War Graves Commission, particulièrement entre 1919 et 1939 durant laquelle la pratique est très certainement la plus forte67. Il en extrait une chronologie du phénomène pour la partie anglo-saxonne. D’abord curieux de savoir à quoi ressemble un champ de bataille dans un premier temps, le touriste se désintéresse ensuite un peu du sujet pour y revenir à la fin des années 1920, guidé par un nouvel attrait général, en particulier de la part des Américains. David W. Llyod sait bien que la source des livres d’or est, par nature, lacunaire, mais il montre à travers l’exploitation de ce matériau une mise en tourisme complexe, qui n’échappe pas aux débats, en particulier moraux. Du côté des Allemands, la chronologie est différente puisque le tourisme mémoriel prend son essor à la fin des années 1920. Il serait donc intéressant d’affiner les chronologies selon les pays et de comprendre comment, localement, on s’adapte à ces mutations de clientèle. On peut se demander si ce tourisme est homogène (visite des mêmes sites quel que soit le pays) et s’il ne concerne que les populations belligérantes.

Lors d'un pélerinage sur un champ de bataille, probablement en 1928. Arch. Mun. Saint-Malo: fond Ouedragao.

Ce tourisme de mémoire peut aussi être source de malaise, particulièrement entre anciens combattants et civils. Faut-il profiter de la manne économique ou respecter les morts en patrimonialisant les lieux sans y toucher, comme le souhaite W. Churchill lorsqu’il préconise aux Anglais d’acheter Ypres pour la conserver en état68 ? Dans cette même perspective, la question des ruines de guerre peut être posée, même si ce débat est plus ancien puisqu’il émerge au milieu du 19e siècle69. En France, le tourisme de mémoire place les populations face à des dilemmes complexes, comme le démontre Laurence Van Ypersele70. En Allemagne, il provoque également des sentiments extrêmes, entre rejet ou acceptation71. L’écrivain autrichien Karl Kraus, dès 1921, formule une critique véhémente à l’égard de ces voyages touristiques qu’il appelait des « voyages de publicité pour l’enfer »72. A l’inverse, l’auteur allemand Kurt Tucholsky, qui visite en 1924 le champ de bataille de Verdun, le considère comme une « usine de la guerre » et tire de son voyage la conclusion, au contraire, que toute personne qui reviendrait de là serait nécessairement pacifiste73. En Grande-Bretagne, l’amélioration des conditions d’accès aux lieux emblématiques de la Grande Guerre (accessibilité des aménagements, modicité du prix du transport…) multiplie le nombre de visiteurs, ce qui pose de nouvelles questions, désormais d’ordre moral. Les guides touristiques s’interrogent alors sur la pertinence de visiter des lieux des batailles dans un contexte de vacances, au risque de manquer de décence pour ceux qui sont morts.

Enfin, et ce n’est pas à négliger, il convient de prendre en compte la dimension politique du tourisme des champs de bataille. Le message véhiculé par les guides ou par les monuments commémoratifs tend à glorifier une armée, une nation au détriment de l’adversaire. L’enjeu de la visite de ces lieux de mémoire est d’autant plus important dans les territoires nouvellement administrés suite au découpage des frontières européennes en 1919. Côté français, le Touring Club de France et l’Office national du Tourisme s’associent dès 1919 pour financer une collection d’ouvrages intitulée La France dévastée. Maurice Barrès est chargé de la rédaction du volume consacrée à la Lorraine. Il évoque sans détour son ambition de montrer au touriste les ravages provoqués par les « barbares d’Outre-Rhin »74. De l’autre côté de la frontière, la propagande nationaliste allemande comprend tout autant l’intérêt de ne pas abandonner à l’ennemi la symbolique de ces territoires75. Le tourisme des champs de batailles apparaît dès lors comme un formidable prisme pour mesurer les rivalités géopolitiques de l’entre-deux-guerres.

Mobilités, découvertes : La Grande Guerre, facteur de futurs voyages touristiques ?

Trop souvent considérée comme statique, terrée dans les tranchées, la Grande Guerre est en réalité consubstantielle à l’idée de mouvements, ceux-ci s’opérant pendant la phase dite de positions autour d’un front immobile76. C’est pourquoi on peut se demander si le conflit ne serait pas l’occasion d’un voyage permettant, en quelque sorte, la découverte de nouveaux territoires. Si les motivations sont différentes, le procédé rappelle celui du Grand Tour, ce voyage initiatique des hautes classes européenne des 17e et 18e siècles qui ont donné l’étymologique du terme « tourisme ». Dans cette partie, c’est moins le soldat-touriste qui nous importe de prendre en compte que l’ancien-combattant-touriste.

Le cas des soldats américains est très tôt mis en évidence par l’écrivain Anatole Le Braz. Dès 1922, il identifie très clairement le potentiel touristique constitué par leur venue en France durant la guerre dans un article intitulé « Les touristes américains et la Bretagne »77. Considérant que tous les combattants originaires des Etats-Unis ont des racines européennes, il conclue que pour eux « explorer la Celtie Armoricaine, c’est donc réintégrer une patrie ancestrale ». La Grande Guerre permettrait alors à de nombreux soldats de prendre conscience de leurs origines et, ce faisant, souhaiteraient se rendre de nouveau en Europe, cette fois en touriste. De manière générale, on peut se demander si cette « nostalgie » peut susciter des désirs de voyages pour les anciens combattants, que ce soit sur le théâtre d’affrontements, ou dans une paisible ville dans laquelle ils auraient été soignés.

Une telle réflexion est transposable aux civils, en particuliers aux milliers de réfugiés. Pour la plupart, c’est la première fois qu’ils s’éloignent aussi loin de leur petite patrie. Ils découvrent alors un « nouveau monde » avec lequel ils créent une attache. Efficacité ou non des promoteurs du tourisme qui travaillent à l’éveil du goût de leur région, cette forme de nostalgie motive par la suite des retours, désormais en tant que touriste. Paul Léautaud est un parfait exemple. L’écrivain parisien, réfugié quelques temps à Pornic durant la guerre, reconnaît dans Villégiature avoir pris conscience de la faible distance qui le séparait de l’Océan78. Il fait, dès lors, de la station ligérienne un lieu de villégiature régulier. Très rapidement, les promoteurs du tourisme décèlent le potentiel d’une telle nostalgie. On peut alors se demander dans quelle mesure les promoteurs de la cité pavillonnaire Élisabethville tiennent compte, en 1923, de la proximité de leur projet avec le site ayant accueilli près de 3 000 réfugiés belges entre 1915 et 191879. La petite station située à 40 kilomètres de Paris, avec plage sur la Seine, profite du parrainage de la reine des Belges Élisabeth pour obtenir un joli coup de projecteur. Un examen attentif des sources lèverait les doutes sur les intentions véritables des promoteurs. En outre, il serait également intéressant de croiser l’identité et la nationalité des acquéreurs de villas pour voir si véritablement, il y eu un effet filial, comme ont souhaité le produire les créateurs du quartier.

Enfin, on peut se demander si les conversations d’après-guerre – qui ne sont ni plus ni moins des partages d’expériences – sont propices à éveiller la curiosité entre les interlocuteurs et ainsi à motiver le déplacement. De la même manière, l’éloignement et la dispersion des familles entraînent un accroissement de la correspondance. Il ne fait alors nul doute que les clichés véhiculés par les cartes postales stimulent l’intérêt des destinataires, mais cela suscite-t-il pour autant chez eux le désir de voyager ?

Ainsi, parce que la Première Guerre mondiale entraîne le déplacement de millions d’Européens, on peut légitiment se demander à quel point la guerre engendre une banalisation de la mobilité et par la même occasion, prépare le terrain pour le tourisme d’après-guerre ?

La Grande Guerre, atout touristique ?

Enfin, il convient de s’interroger sur le développement promotionnel du tourisme dès l’après-guerre et son évolution. L’historiographie, bien plus dense sur ce sujet, doit permettre de dresser des synthèses plus complètes qu’il s’agira de replacer, dans un premier temps, dans l’immédiat après-guerre80. En effet, très vite le conflit est perçu comme un atout touristique, ce dont prend conscience le Touring Club de France qui prévoit dès 1918 que :

« des légions de permissionnaires américains […] seront bientôt suivies de légions de touristes venus de toutes les parties du monde pour visiter les champs de bataille. Nul doute, en effet, que les Américains venus par millions, les Anglais, les Italiens, lesquels n’auront vu de la France que les parties ravagées, n’éprouvent un vif désir de connaître les beautés de cette terre sur laquelle ils auront vécu tant d’heures inoubliables. »81

A Paris, sur le Champ de Mars, le 3 janvier 1918: du matériel automobile réformé vendu en tant que voitures de tourisme. BDIC: VAL 377/018.

Cette prévision apparaît opportune pour booster une économie en plein essor. De plus, elle se révèle exacte. En 1929, Michelin justifie, dès la préface, la traduction de ses Guides des champs de bataille en raison du nombre croissant de touristes, en particuliers allemands82.  

A l’arrière, parce qu’ils suscitent l’intérêt des voyageurs, les monuments aux morts deviennent également des curiosités touristiques dont les guides vantent l’originalité et les qualités architecturales. Jean Sannier publie un article richement illustré sur ces derniers, en 1922, dans la revue La Bretagne touristique :

« Nous ne voulons pas, ce n’est d’ailleurs pas notre rôle, discuter ici la valeur des œuvres. Nous nous sommes simplement donné pour mission d’en présenter quelques-unes parmi les plus belles […]. »83

Ce faisant, l’auteur insiste sur la singularité et la diversité des monuments en Bretagne, « plus qu’ailleurs », qui apportent une plus-value évidente au tourisme. C’est « une gloire qui s’ajoute à sa beauté ».

Près d’un siècle plus tard, en 2014, les commémorations du centenaire de l’entrée en guerre suscitent une importante activité éditoriale. Parmi ces ouvrages, on recense quelques volumes directement liés à ce tourisme de mémoire. Michelin publie ainsi six guides. De son côté, le Guide du Routard propose une édition spéciale Picardie 14-18… A ces publications payantes viennent s’ajouter les brochures des offices de tourisme84 et autres musées. Au vu de de cette tendance, on peut naturellement se poser la question de l’atout touristique – et donc économique – de la Grande Guerre pour les régions ayant connus de célèbres combats. Si l’objectif est bien entendu de transmettre le flambeau de la mémoire aux générations futures85, la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense ne nie pas que le tourisme de mémoire « parce qu’il suscite des flux touristiques, contribue à la vitalité économique et culturelle des territoires »86. Sans parler d’un quelconque business, il nous apparaît donc essentiel de conclure sur cet aspect et sur les nombreuses questions qui en découlent87 : les territoires tirent-ils forcément profit de l’héritage de la guerre88 ? Quel public est ciblé ? Quelle place les musées occupent-ils89 ? Quels intérêts et quelles limites le tourisme de mémoire pose-t-il90 ? Le tourisme est-il une chance pour l’histoire de la Grande Guerre en suscitant l’intérêt du public ? Ou au contraire, favorise-t-il la mémoire au détriment de l’histoire ?

Yves-Marie EVANNO et Johan VINCENT

 

 

Pour traiter ce sujet, un appel à contribution pour un ouvrage collectif est donc lancé. L’ambition est de réunir un volume significatif de réflexions sur les points exposés ci-dessus. Les modalités pratiques sont indiquées ci-dessous. L’ouvrage sera à paraître en 2017.

Même si la pratique n’est pas habituelle et peut-être, à l’usage, utopique, nous souhaitons proposer la possibilité de mettre en contact, quand cela sera pertinent, les différents auteurs travaillant sur des thématiques similaires (mais pas sur la même zone géographique par exemple), ce au moment de l’examen des propositions. Ce rapprochement permettra des dynamiques et un dialogue stimulants.

Modalités pratiques

Les propositions de contribution, n’excédant pas une page et comportant une présentation des sources utilisées et de la problématique explorée, seront rédigées en français, en espagnol, ou en anglais et devront être adressées avant le 15 mars 2016.

Après examen des propositions, les auteurs retenus feront parvenir le texte de leur article (n’excédant 35.000 signes / 4.500 mots) pour le 1er septembre 2016 au plus tard.
Une attention toute particulière sera accordée aux éléments iconographiques permettant d’étayer le propos. Pour des raisons de coût de publication, les illustrations doivent être libres de droits.

Les propositions sont à adresser à

tourismegrandeguerre@gmail.com

Directeurs de projet:

Johan Vincent, docteur en histoire contemporaine, chercheur associé CNRS UMR 6258 CERHIO et Yves-Marie Evanno, chargé de l'action culturelle aux Archives départementales du Morbihan, chargé de cours à l’Université Catholique de l’Ouest, membre du comité de lecture d’En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne.

Comité scientifique en cours de constitution

 

 

 

 

 

 

1 WALTON, John, « Leisure towns in wartime : the impact of the First World War in Blackpool and San Sebastián », Journal of contemporary history, vol. 31-4, 1996, p. 603 : « […] it seems surprising that so little attention has been paid to the impact of war on such towns [the leisure towns] ».

2 A défaut d’exhaustivité, nous nous efforcerons de proposer un maximum de références dans cet article.

3 EVANNO, Yves-Marie et VINCENT, Johan, « Loin des tranchées, la plage. Réflexions sur le tourisme dans le Morbihan », in Actes du Cycle de conférences : Les Morbihannais à l’épreuve de la Grande Guerre, Vannes, 2015 (à paraître).

4 VEBLEN, Thorstein, Théorie de la classe de loisir, Paris, Gallimard, 1970 (réed. 1899).

5 HARISMENDY, Patrick, « Les entrepreneurs culturels du dépaysement (1900-1930) : acteurs oubliés ou capitalistes inachevés ? », Mémoires de la société d’émulation des Côtes d’Armor, 2011, p. 389-405.

6 Cette revue nécessiterait même un travail détaillé tant la source est d’une riche intensité. Elle est disponible en ligne.

7 COLETTE, Les heures longues, Paris, Arthème Fayard & Cie, 1917 ; DOUCET, Jacques, Apollinaire à la Baule. Suivi de Apollinaire, permissionnaire en Bretagne (Bénodet, Kervoyal), La Turballe, Alizés l’esprit large, 2000.

8 Edith Julien, employée à l’hôtel Windsor de Dinard, décrit parfaitement l’ambiance de la station balnéaire le 6 août 1914 : « ce temps sombre avec la ville presque déserte après avoir été déjà si peuplée en juillet, tout contribue à me faire vivre et à me faire penser comme si j’étais au mois d’octobre où l’on prépare ses quartiers d’hiver ». JULIEN, Edith, « Journal d’une Dinardaise en 1914-1915 », Les Cahiers de l’Iroise, 13e année, juillet septembre 1966, p. 133.

9 Lettre à Serge Férat, 29 juillet 1914, dans DECAUDIN, Michel (dir.), Œuvres complètes de Guillaume Apollinaire, Paris, A. Balland & J. Lecat, vol.4, 1965, p. 780 cité dans BECKER, Annette, La Grande Guerre d’Apollinaire. Un poète combattant, Paris, Tallandier, 2014, p. 17.

10 Certains Allemands demeurent à Menton jusqu’en septembre 1914 pour garder leurs biens. VOLPI, Jean-Claude, « Tourisme et palaces durant la Première Guerre mondiale à Menton », Recherches régionales, Alpes-Maritimes et contrées limitrophes, n°200, octobre-décembre 2011, p. 48-51.

11 De nombreux touristes sont malgré tout maintenus sous surveillance pendant de nombreux mois. On peut ici signaler le cas du député croate Teodor Pejačević, dont la cure à Vichy est brutalement interrompue. Il est par la suite interné dans le Morbihan avant d’être rapatrié vers la Suisse en 1916.

12 DURIE, Alastair, PAGE, Stephen J., « Tourism in Wartime Britain 1914-1918 », in ATLEJEVIC, Jovo, et PAGE, Stephen J. (dir.), Tourism and Entrepreneuship, Oxford, Butterworth-Heinemann, 2009, p. 353.

13 « Nouveau service de trains au 10 juillet 1915 », Le Progrès du Morbihan, 10 juillet 1915, 32e année, n°26, p. 2.

14 Arch. dép. du Morbihan : 4 M 502, lettre de George Grippon au préfet, le 28 septembre 1915.

15 CHADEFAUD, Michel, Aux origines du tourisme dans les pays de l’Adour, Pau, Numéro spécial des Cahiers de l’Université, 1988, p. 375.

16 GOUJON, Bertrand, Du Sang bleu dans les tranchées. Expériences militaires de nobles français durant la Grande Guerre, Paris, Vendémiaire, 2015, p. 173.

17 ADEMA, Pierre-Marcel, « Guillaume Apollinaire et la Bretagne », Bulletin mensuel de la Société Polymathique du Morbihan, tome 121, juillet 1995, p. 125-148.

18 Sur ce point, on suivra attentivement les conclusions du colloque organisé les 19 et 20 novembre 2015 à Pau « Les fronts intérieurs européens : l’arrière en guerre 1914-1920 » sous la direction de Laurent Dornel, Stéphane Le Bras et Laurent Jalabert.

19 Signalons sur le sujet l'ouvrage dirigé par GASSER, Patrick, ANDREA LEONARDI, Andrea, et BARTH-SCALMANI, Gunda (dir.), Tourism & Museum. Guerra e turismo nella Grande Guerra, Merano, Touriseum, 2014.

20 PAGE, Stephen J., Tourism Management, Routledge, 2014, p. 57.

21 GILLES, Benjamin, et OFFENSTADT, Nicolas, « Mémoires de la Grande Guerre », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n°113-114, 2014/1, p. 2-5.

22 RODRIGUEZ, Mari Carmen, « Compostelle, un cas d’étude d’exploitation du tourisme régional espagnol (XIXe-XXIe siècles », in GIGASE, Marc, HUMAIR, Cédric, et TISSOT, Laurent (dir.), Le tourisme comme facteur de transformations économiques, techniques et sociales (XIXe-XXe siècles), Neuchâtel, Ed. Alphil-Presses universitaires suisses, 2014, p. 126. Sans que l’on sache exactement en quoi et si le tourisme est concerné puisque c’est la seule phrase de son article sur ces quatre années.

23 WALTON, John, op.cit., p. 603-618 ; ou encore LARRINAGA, Carlos, « El turismo y la ciudad de San Sebastián en la Edad Contemporánea. Una análisis en el largo plazo », in BATTILANI, Patrizia, et STRANGIO, Donatella (dir.), Il turismo e le città tra XVIII e XXI secolo: Italia e Spagna a confronto, Milano, FrancoAngeli, 2007, p. 117.

24 BERNARD, Nicolas, BOUVET, Yvanne et DESSE, René-Paul, Géohistoire du tourisme argentin, du XIXe siècle à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Espace et territoires », 2014, p. 53.

25 VALERO, Alet, Oriente, playas y castillos ; Pratiques, images et politiques touristiques en Espagne 1830-1928, Université de Provence Aix-Marseille 1, Thèse de Doctorat en Histoire sous la direction de Chastagneret, Gérard, t. 2, 1993, p. 549-551.

26 Pour une étude plus générale de la question, voir DILLIER, Elizabeth, et SORDIFO, Ricardo (dir.), Visites aux armées – Tourismes de guerre, Caen, FRAC Basse Normandie, 1994.

27 Que l’on peut ici traduire par « Vadrouilleur de la zone de guerre ».

28 AUSTIN, Walter, A war zone gadabout : being an authentic account of four trips to the fighting nations during 1914, ‘15, ‘16, Boston, R.H. Hinkley Company, 1917.

29 En novembre 1914, à dix kilomètres d’Ypres, W. Austin et ses compagnons en route vers la zone de combat sont arrêtés par des soldats français. En découle une conversation suréaliste : « What are you doing out here anyway? he [l’officier français] asks. / Hotchkiss [un compagnon de W. Austin] explained frankly that we are only on a tour of adventure. / Do you know it is very dangerous here? asks the officer.» Austin, Walter, op. cit., p. 54. 

30 KLEBOWSKI, Ed. et KLEBOWSKI, Libby, Americans in Occupied Belgium, 1914-1918. Accounts of the War from journalists, tourists, troops and medical staff, Jefferson, McFarland, 2014, p. 109.

31 « Sur les Ruines », L’Illustration, n° 3742, 21 novembre 1914, p. 388, extrait cité par DANCHIN, Emmanuelle, Les Ruines de guerre et la nation française (1914-1921), Paris Ouest Nanterre La Défense, Thèse de doctorat sous la direction de Becker, Annette, et de Van Ypersele, Laurence, 2012, p. 172.

32 DURIE, Alastair, PAGE, Stephen J., « Tourism in Wartime Britain 1914-1918 », op. cit., p. 351.

33 « Visite au champ de bataille de l’Ourcq », Revue mensuel du Touring Club de France, 27e année, septembre-octobre 1917, p. 103.

34 Mission Centenaire, « Les guides des champs de bataille 1914-1918 de Michelin », en ligne. On se permettra de faire ici référence à Champeaux, Antoine, « Les guides illustrés des champs de bataille, 1914-1918 », in Canini, Gérard (dir.),  Mémoire de la Grande Guerre. Témoins et témoignages, Nancy, PUN, 1989, p. 341-354.

35 On peut ici faire référence aux ouvrages sur la guerre de Sécession aux Etats-Unis ou encore à la guerre de 1870 comme TOUCHEMOLIN, Alfred, Guide du touriste sur le champ de bataille de Froeschwiller, Strasbourg, E. Fietta, 1871 du côté français, ou SCHUMACHER, Adolf, Die Vogesen, Straßburg, Metz und die Schlachtfelder, Berlin, Auflage, 1913 du côté allemand.

36 BRANDT, Susanne, « Le voyage aux champs de bataille », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n°41, janvier-mars 1994, p. 18-22.

37 HEYMEL, Charlotte, Touristen an der Front: das Kriegserlebnis 1914-1918 als Reiseerfahrung in zeitgenössischen Reiseberichten, Münster, LIT Verlag, 2007.

38 BARNES, Felicity, « Dominion soldiers on leave in Europe (New Zealand) », 1914-1918 Online : International encyclopedia of the First World War, Freie Universitat Berlin, 2014.

39 CRONIER, Emmanuelle, Permissionnaires dans la Grande Guerre, Paris, Belin, 2014, p. 143-160.

40 Harry S. Truman Library and Museum : Family, Business, and Personal Affairs File, Truman Papers. Letter to Bess Wallace, June 14, 1918.

41 PREVOT, Aurélien, Les chemins de fer français dans la Première Guerre mondiale. Une contribution décisive à la victoire, Auray, LR Presse, 2014.

42 A titre de comparaison, on se permettra de renvoyer à EVANNO, Yves-Marie, « La Guerre, aubaine au développement hôtelier dans le Morbihan ? », in ANDRIEUX, Jean-Yves, et HARISMENDY, Patrick (dir.), Pension complète. Tourisme et hôtellerie (XVIIIe-XXe siècle), Actes du colloque international de Saint-Brieuc (11-12 juin 2014), à paraître.

43 OLIER, François, QUENEC'HDU, Jean-Luc, Hôpitaux militaires dans la guerre 1914-1918, Louviers, Ysec Éditions, 2008 (tome 1), p. 211-212.

44 Arch. mun. Saint-Malo : 4 H 11, Correspondance du 7 janvier 1917.

45 « Une nouvelle saison balnéaire », Le Moniteur des Côtes-du-Nord, 12 septembre 1914, 44e année, n°37, p. 3.

46 VOLPI, Jean-Claude, « Le Cap-Martin accueillera le monde entier ou naissance d’un paquebot de luxe Le Grand Hôtel du Cap », Recherches régionales, Alpes-Maritimes et contrées limitrophes n°200, octobre-décembre 2011, p. 23.

47 WALTON, John, « Leisure towns in wartime : the impact of the First World War in Blackpool and San Sebastián », Journal of contemporary history, vol. 31-4, 1996, p. 610.

48 CRONIER, Emmanuelle, op. cit., p. 148-151.

49 Arch. dép. du Morbihan : 4 M 502, le commissaire de Police, directeur du dépôt de Kerlois, au préfet, Hennebont, 11 mai 1915.

50 « Nouvelles locales », Bulletin de Saint Cornely, paroisse de Carnac, mai 1918, p. 6. « Les Américains […] ne regardent pas au prix : ils donnent pour les denrées ce qu’on leur a demandé : c’est un abus ». Pour une synthèse plus complète se référer à « Un camp américain », in Ouvrage collectif, Les Morbihannais dans la guerre 14-18, Vannes, Archives départementales du Morbihan, 2014, p. 118-125.

51 Arch. dép. du Morbihan : M 1772, rapport des inspecteurs de police spéciale auxiliaires au commissaire spécial à Vannes relatif à la surveillance du camp de Meucon, 3 septembre 1918.

52 Arch. dép. du Morbihan : R 1647, liste des membres du Comité de patronage des Blessés et Convalescents, 1916.

53 C. Marin-Paradis, F. André, L. Lebert et A. de Limur sont membre du syndicat en 1906. Quant à E. Brébion, il est membre fondateur et commissaire général, en 1922, du comité d’action et de propagande touristique du Morbihan. « Liste des membres » in Syndicat d’initiative du Morbihan, Guide du Morbihan, Imprimerie La Folye Frères, Vannes, 1906 ; Arch. dép. du Morbihan, 8M134, statut du Comité, 31 décembre 1922.

54 HARISMENDY, Patrick, « Tourisme / tourismes : une histoire partagée ? Bilan historiographique », Séminaire sur l’histoire des tourismes en Bretagne, le 9 octobre 2014, campus Mazier, Saint-Brieuc.

55 Sur ce point, voir ALEXANDRE, Philippe, « Le tourisme dans les Vosges sur l’arrière-plan des relations franco-allemandes (1871-1919), in Vosges, terres de tourisme. Actes du colloques tenu à Epinal les 10 et 11 mai 2011, Epinal, Conseil général des Vosges, p. 106-107.

56 GRUYER, Paul, Les Guides Bleus : Bains de mer en Bretagne, Paris, Hachette et Cie, 1911 (version rééditée en 1919). L’information est ici signalée dans un feuillet rose « Avis important », inséré dans l’introduction.

57 C’est le cas du Syndicat d’initiative du Morbihan. La publication devient également payante (1,50 franc). Arch. dép. du Morbihan : 8 M 131, le président du syndicat d’initiative au préfet, 10 septembre 1917.

58 Journal Officiel de la République française. Débats parlementaires, Sénat, séance du 30 juin 1917. La proposition de loi concernant l’extension et l’aménagement des villes, qui sera à l’origine de la loi du 24 septembre 1919 réorganisant complètement la perception de la taxe de séjour, débute lors de la séance du 27 décembre 1918.

59 CULOT, Maurice, et MIGNOT, Claude (dir.), Trouville-Deauville, société et architectures balnéaires 1910-1940, Paris, Norma, 1992, p. 32.

60 Sur ce point, voir l’exemple du Morbihan, EVANNO, Yves-Marie, et VINCENT, Johan, « Loin des tranchées… », art. cit.

61 Arch. dép. du Morbihan : 8 M 131, circulaire du Touring Club aux présidents des syndicats d’initiative du Morbihan, août 1917.

62 Ibid.

63 Arch. dép. du Morbihan : 8 M 131, copie de la lettre du président du Touring-Club de France aux présidents des syndicats d’initiative de Vannes et de Carnac, sans date [1917].

64 L’exemple des campagnes de promotions touristiques est particulièrement évocateur. Ces dernières souffrent ainsi d’un manque de cohésion entre les différents acteurs d’une même région, chaque petite patrie ayant, selon ses promoteurs sa propre identité. Si la Première Guerre mondiale accélère les initiatives communes, les rivalités perdurent toutefois durant l’entre-deux-guerres. Sur ce point, voir VINCENT, Johan, L’intrusion balnéaire. Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 148-149.

65 VAN YPERSELE, Laurence, « Tourisme de mémoire, usages et mésusages : le cas de la Première Guerre mondiale », Témoigner. Entre histoire et mémoire n°116, 2013.

66 Sur ce point, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan,  et TIXHON, Axel, « La Bataille de Sambre-et-Meuse, août 1914. Regards allemands, belges et français sur les armées, les lieux de mémoire et les représentations », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n° 2,‎ été 2013.

67 LLOYD, David W., Battlefield tourism ; Pilgrimage and the commemoration of the Great War in Britain, Australia and Canada, Oxford-New York, Berg, 1998, p. 101-111.

68 Sur cette question, voir LAWERS, Delphine, « Battlefields as tourist attractions, Britons traveling to the Ypres Salient since 1919 »,  Working paper for the Transatlantic Tourism workshop to be held at the German Historical Institute, octobre 2011.

69 LE BLANC, Antoine, « La conservation des ruines traumatiques, un marqueur ambigu de l’histoire urbaine », L’Espace géographique, 2010-3, p. 253-266.

70 VAN YPERSELE, Laurence, « Tourisme de mémoire, … », art. cit.

71 BRANDT, Susanne, op. cit., p. 18-22.

72 KRAUS, Karl, « Reklamefahrten zur Hölle », Die Fackel, 1921, p. 96-98.

73 Ott, Ulrich (dir.), Literatur im Industriezeitalter, Marbach, tome 1, 1987, p. 433.

74 BARRES, Maurice, La Lorraine dévastée, Paris, Félix Alcan, 1919, p. 175.

75 KOHSER-SPOHN, Christiane, « Der Staat im Stein. Die Kriegsdenkmäler der Gipfel im Elsass (1918-1945) », in LOEW, Peter-Oliver, PLETZING, Christian, et SERRIER, Thomas (dir.), Wiedergewonnene Geschichte. Zur Aneignung von Vergangenheit in den Zwischenräumen Mitteleuropas, Wiesbaden, Harrassowitz, 2006, p. 383-398.

76 LE GALL, Erwan,  « La guerre comme une série de mouvements. Analyse à partir du cas 1914-1918 », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, no3,‎ hiver 2014, en ligne.

77 LE BRAZ, Anatole, « Les touristes américains et la Bretagne », La Bretagne touristique, n°5, 15 août 1922, p. 7.

78 LEAUTAUD, Paul Villégiature, Paris, Séquences, 1986 [1re éd. 1929],  p. 25.

79 TIMERY, Joumana, et DAVID, Véronique, Élisabethville, la plage de Paris sur Seine (Aubergenville), Paris, Somogy éditions d’art/Inventaire général du patrimoine culturel, 2014, 56 p.

80 Voir notamment EKSTEINS, Modris, « MichelinPickfords et la Grande Guerre: le tourisme sur le front occidental 1919-1991 », in AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane, BECKER, Annette, BECKER, Jean-Jacques,  KRUMEICH, Gerd, et WINTER, Jay (dir.), Guerre et cultures. 1914-1918, Paris, Armand Colin, 1994, p. 417-428.

81 « Rapport sur la situation morale », Revue du Touring Club de France, 28e année, novembre-décembre  1918, p. 104.

82 BRANDT, Susanne, op. cit., p. 18-22.

83 SANNIER, Jean, « Aux Bretons morts pour la France », La Bretagne touristique, n°8, 15 novembre 1922, p. 11-17.

84 L’exemple de la Somme est ici particulièrement intéressant.

85 Dossier de presse de la Mission centenaire, en ligne.

86 DMPA, Le Tourisme de mémoire, brochure, septembre 2013, p. 2, en ligne.

87 Nous suivrons ainsi avec intérêt la publication des actes du colloque organisé du 21 au 23 mai 2015 par les Archives départementales des Vosges et du Haut-Rhin, la Société Philomatique Vosgienne et la maison d’édition Edhisto : Guerre des Vosges, Guerres de montagne, et plus particulièrement la 3e partie sur la patrimonialisation (traces de guerre, muséologie et tourisme de mémoire). Programme en ligne.

88 Sur ce point, on pourra par exemple renvoyer à la non-exploitation des potentialités touristiques des champs de bataille des Vosges développé par Fombaron, Jean-Claude, « Les Vosges, du tourisme des champs de bataille des XIXe et XXe siècles au tourisme de mémoire du XXIe siècle », in Vosges, terres de tourisme. Actes du colloques tenu à Epinal les 10 et 11 mai 2011, Epinal, Conseil général des Vosges, p. 108-111.

89 Sur le sujet, on se permettra de renvoyer à LOUVIER, Patrick, MARY, Julien, et ROUSSEAU, Frédéric (dir.), Pratiquer la muséohistoire : la guerre et l’histoire au musée. Pour une visite critique, Outremont, Athéna éditions, 2012.

90 Sur ce point, voir le dossier sous la direction de CRAHAY, Frédéric, « Voyages mémoriels, Herdenkingsreizen, Memory trip », Témoigner. Entre histoire et mémoire n°116, 2013, en ligne.